jeudi 30 avril 2020

mercredi 29 avril 2020

J44 - Fenêtre sur cour

Affiches, posters et images de Fenêtre sur cour (1954) - SensCritique
Vue de ma chambre à coucher.

J'ai toujours préféré aux voisines mes voisins. Surtout mes voisins étudiants. Ils réveillent en moi la femme cougar sensible à l'esthétisme.

Avec le confinement, le pâté de maisons, hébergeant un consortium d'éphèbes vigoureux, bruns et ténébreux (j'imagine), a cessé d'allumer ses lampes à huile à la nuit tombée. Ils se sont tous cassés, ces morveux. Heureusement qu'il y a mes gosses pour mettre l'ambiance jeunesse. 

Mon préféré était un charmant garçon aimant petit-déjeuner de tartines trempées dans son grand crème, le torse nu et imberbe, devant la fenêtre de mon dortoir. En hiver, la lumière artificielle, obligatoire à sept heures, me permettait de distinguer le moindre de ses muscles comme sur une statue de marbre. Le petit ange... Je me cachais vingt-cinq secondes derrière le store pour perdre vingt-cinq ans. Cette vision d'une oeuvre d'art digne des plus grands sculpteurs m'émouvait et égayait ma matinée.

J'ai été étonnée de constater que tout avait été laissé en plan chez celui-ci : le tiroir ouvert sur les pots de confitures, la table à manger pas débarrassée. On eût dit qu'il avait fui précipitamment. C'était pas son genre de ne pas être à l'heure à notre rendez-vous à sens unique. J'étais inquiète. Puis je le trouvais un peu lâche quand même aussi, Bob... (Appelons-le Bob.)
Je scrutais par la vitre, machinalement, légèrement affectée. Et s'il me préparait une blague, genre "Coucou la voilà !" ?

Il me manquait. Sans en connaître aucun, ils me manquaient tous d'ailleurs. (Parce qu'ils font jamais de bruit, je crois qu'ils mettent des patins pour marcher chez eux.) J'avais angoissé, que confinés, il leur prenne la subite lubie d'apprendre la cornemuse ou le violon (je priais pour qu'ils écoutent plutôt du Jul) et ils étaient partis, me laissant ainsi que ma famille avec des pigeons pour seul voisinage. Ah oui, et une chatte en chaleur aussi insupportable qu'une mouche près de ton oreille quand tu pionces... En plus, à moi qui ne suis que pureté, elle va finir par me donner des idées salaces, cette chienne !

Mais dimanche, j'allais faire mon pipi du soir quand je devinai la vie dans l'appartement éclairé de Bob. Bob était revenu ! Est-ce que j'appelais la milice police pour signaler son changement de lieu de confinement en bonne citoyenne ? Tout à ma joie, je fus faible et raccrochai le combiné.
Pourquoi était-il réapparu ? Était-ce parce qu'il s'ennuyait de moi ? M'observait-t-il, lui derrière son pain beurré et moi, tapie derrière mes stores à lamelles ? Ne pouvait-il plus se passer de mon regard furtif ?

J'ai analysé son environnement. C'est toujours le bordel. Bob n'a rien rangé. Tout paraît identique à son départ. Néanmoins au fond de la pièce trône désormais une paire de béquilles qui fournit un début d'explication à ce mystère, prêt à survolter mon âme de Commissaire Maigret (le vrai, celui avec Bruno Kramer).

Je m'interroge. Dois-je, vu qu'on a parlé d'une solidarité nécessaire entre voisins, aller lui proposer mon aide ? 
Seulement où habite Bob précisément, hormis au troisième étage, face à ma chambre ? Dans quelle rue et à quel numéro ? (L'encastrement des immeubles est surréaliste ici...)


Que racontes-tu ? Y a une vieille impotente dans le quartier dont je pourrais m'occu... Allô ? Allô ? Je t'entends plus, lecteur, je passe sous un tunnel ! Recontacte-moi dans six mois, j'ai une énigme de la plus haute importance à résoudre.



mardi 28 avril 2020

J43 - Mon slogan de confinement


Lit, Personne, Dormir, Femme, Au Repos, Détendre
"Je ne t'attends pas, je dors.
Ou peut-être bien que je suis morte d'une overdose ?"

J'ai pris mon rythme de croisière (Pause café : 7 h 20 - 9 h 30).
D'un tempérament endurant et déterminé, j'ai trouvé mes repères dans mon repaire, catégorie maître de soi-même. C'est vachement mieux qu'au boulot, où j'avais un chef. Un seul boss... là, je suis contrôlée par trois tyrans, un spécialisé en blagues, l'autre en histoires de petits soldats, la dernière en devoirs urgents.

Cependant je me sens zen, apaisée.

Je ne crains pas la maladie, j'ai suffisamment de phobies et de névroses, y a plus de place. C'est pas un Covid-19 qui va m'effrayer ni pour moi ni pour mes despotes en herbe qui vont reprendre (bientôt j'espère, je suis coach experte en chamanisme - j'ai enfin trouvé ma voie professionnelle - pas devin) le chemin des écoliers.
Par contre, tu vois, je flippe un max pour une autre raison.
Grâce au confinement, j'ai bien dû économiser deux sacs de sprays étouffeurs de lentes aux éclats de diamant, de lotions anti-parasites aux graines d'or et de shampoing à la lavande de caviar.
T'as pas pensé, toi, au retour des poux, pauvre innocent !

Les Français cauchemardent et dans mon inconscient ça cogite plutôt sereinement. Je tue moins de gens par exemple. T'aimerais qu'on se rencontre en vrai ? Je m'appelle J. Dexter.
Et puis, je peux me payer le luxe d'une sieste quotidienne. Je te cause pas de la sieste crapuleuse d'Océane, 19 ans, actrice acrobatique rue Saint-Denis mais de celle de Monique, 72 ans, ancienne factrice en Vendée. La reposette reconstituante où tes angoisses ou contrariétés se libèrent, s'étiolent et filent vers le cosmos, sans tourner en boucle dans ta tête comme pendant l'endormissement nocturne.
Quel pied ! Oh ouiiiiii ! (Excuse.)

Des siestes, pas des poux ! Mon slogan de confinement. CQFD.

lundi 27 avril 2020

J42 - Point confinement

Goût, Corsage, Reinheitsgebot, Section, Bavière, Bière
Wo ist meine Bratwurst Gisela ? (*)
(*) Où est ma grosse saucisse Gisèle ?

Coucou mon con fini !
(C'est pas pour toi, on sait jamais... si Manu me lit...)

On joue les prolongations question quarantaine.
Je vais saisir l'occasion pour spéculer en Bourse et troquer mes actions Grimbergen contre des actions Vittel (ou Vichy, c'est raccord en ce moment).
Je sais pas chez toi, mais ici c'est Munich et sa célèbre Oktoberfesse. Ça sent grave la gaine Triumph-Sloggi-Playtex et le sous-tif assorti des frères Montgolfier.
J'en connais qui se préparent consciencieusement à "l'épreuve du maillot" (jamais pigé l'idée, entre nous). Ben moi, c'est "épreuve du jean". Tous les jours.
J'ai jamais eu les pieds sur terre. J'aimerais mieux être un pigeon, j'suis mal dans mon pantalon.
L'opération "Corps de rêve" semble un vrai fiasco.
Choupinet n'a-t-il pas affirmé tantôt :
- Maman, plus elle fait du sport, plus elle a les fesses moelleuses !
(Avec les gosses, faut savoir encaisser. Et basta. Tout le reste, l'éducation, le love, le soin, c'est du pipi de Siamois incontinent. Écris-le soigneusement dans ton carnet du parfait parent, ça te servira.)
Mais je poursuis inlassablement, disciplinée, mes squats et tutti quanti. Si ça se trouve, j'en suis à une étape intermédiaire chelou, comme quand tes cheveux poussent d'un carré aux maxillaires jusqu'à une longueur épaules. Je te dirai.

Passé ces considérations hautement intellectuelles, voyons les news.

On se fait des Skype de plus en plus souvent avec la Grande. Auparavant on a téléchargé le logiciel sur le portable de l'Homme qui se demandait pourquoi je voulais lessiver son ordi et engraisser Unilever.
On se sert bien de la fonction portative du portable qui se déplace du coin salle à manger vers la table basse du salon, une bouche grande ouverte ou un panard...
M. le Mari : Regarde la base (en Kapla, ndlr) de l'Ado !
A. : Attends, je vais te montrer ma dent qui bouge !
Choupinet : Attends, je vais te montrer ma verrue !
Je comprends que toute cette vie quotidienne trépidante manque cruellement à ma fille aînée.

J'ai eu l'aura de Igor de Hossegor ce week-end. 
Scène I
L'ado : Maman, ils sont de quelle couleur mes cheveux ?
Votre serviteuse : Châtain. Châtain gras.
Scène II
Hormis se coller de la Patafix sur l'oeil (expérience ?) ou buter la nature "Tiens, maman, un beau bouquet de fleurs que j'ai tuées pour toi, niark niark niark !", le cadet ne fait aucun effort pour bonifier son temps de confinement.
Alors j'ai décidé de lui mettre la pression, comme aux adultes, y a pas de raison.
- Eh, Choupinet dans La Dépêche, y a un article "Coronavirus : confiné à 9 ans, il s'ennuie et crée un jeu vidéo". Qu'est-ce tu fous, toi, à regarder des maquettes sur Amazon ?

L'Ado, lui, réalise donc des constructions incroyables en Kapla et également des films en stop motion... Il est carrément doué. (C'est mon fils.)
De plus, il a eu une remarque sur laquelle je médite encore.
- Maman, tu te rends compte que pour dormir, avant il faut faire semblant de dormir...
(Il est intelligent, mon fils.)
Ben celle qui s'endort en ce moment, c'est Maîtresse (alors que la Petite a repris du poil de la bête et cessé sa grève de l'école). Le travail du jour, c'est pas à 16 h 30, hein ! Je suis obligée de lui inventer des devoirs.
- Ma Princesse, on va apprendre à écrire "Prout". C'est super, non ?! Le "OU" C'est facile, c'est comme dans ton prénom, ma chérie !

C'est tout, Trésor. J'aurais encore des tas de bidules en voici en voilà mais il paraît qu'après mes points confinement sont un peu longuets et mon but est de ne pas lasser mon lecteur unique (ou unique lecteur).
Je te quitte avec une vidéo sur l'écologie des Goguettes - que j'ai découverts avec bonheur - comme tout le monde ces derniers jours, grâce à leur excellente parodie de Brel sur le confinement. (Brel, je déteste, sache-le. c'est un motif sérieux de divorce avec l'Homme.)







dimanche 26 avril 2020

J41 - Sortie

Loup, Des Animaux, Nature, Prédateur, Parc De La Faune
Gentils toutous.

J'ai pas fait mon Jean-Pierre Pernaut. J'ai pas tenu six semaines. Et puis c'était quoi ce rendez-vous mystérieux auquel il s'est rendu, hein, on peut savoir ?

Moi je suis restée totalement confinée huit jours. Et, de ma part, c'est un exploit Guinness (Hips !) des records aussi incroyable et pertinent que le fait d'avoir joué trente-six heures d'affilée du violoncelle avec quinze éperviers sur les épaules, perché sur des échasses dans une mare de boue .

M. le Mari devait penser que je yoyotais de la touffe. (Jolie, peignée, pas trop rêche grâce à l'huile de coco, essaie tu verras.)

- Les enfants, on va faire une sortie en famille ! Il y a une nouveauté dans la ville !

Fallait qu'il appâte...

On constata que les mioches avaient encore poussé, surtout des pieds, et qu'on n'aurait pas dû leur acheter des godasses juste avant le confinement mais beaucoup plus tard, genre en septembre. Ou alors ils pourraient foutre des tongs toute l'année - c'est pas grave si les orteils dépassent - avec des grosses chaussettes en hiver. 

Une fois dehors, on fut aveuglés. On se transforma pas en chauve-souris mais ce fut pas loin. Tiens, l'époux, lui, il prit le côté chauve. C'est un signe.

Et quelle ne fut pas la surprise en effet !
Non, ils avaient pas rouvert le Relais Colis pour que je puisse récupérer ma nippe de chez Modz qui, grâce à la miséricorde de Dieu, est une robe portefeuille pour la belle saison... (Exactement, mi-mars, j'ai commandé un truc à porter en août et qui m'est indispensable.)

Cinq arbres avaient été plantés sur le trottoir, en face de l'Office de Tourisme. Des petits arbustes, tout mignons, dans des pots gigantesques façonnés par la main d'une machine. Des arbrisseaux fragiles, touchants par leurs feuilles en pleine croissance (parce qu'elles ont pas besoin de changer de taille de fringues ou de pompes tous les mois, elles !)

En huit minuscules jours, mon quartier s'était paré de vert, de fleurs odorantes... et d'une cour des miracles composée d'une belle équipe de punks à chien, clodos alcoolisés mais masqués (d'ailleurs c'est pas pratique le masque rapport aux canettes de bière), mecs parlant à eux-mêmes pour ne pas être contrariés et de jeunes délinquants très polis puisqu'ils se serraient la main pour se saluer...
La nature des hommes reprend-elle ses droits ?




samedi 25 avril 2020

J40 - Hippopotin

Verso, Bikini, Corps, Bout À Bout, Fesses, Gros Plan
Pas de plage, pas de sable dans le cul !

- Mamounette, tourne-toi !

FLASH 

- J'ai pris tes fesses en photo, hi hi hi !!!



Alors qu'est-ce que je fais d'après toi ?
Ben oui, je mate. Puis le miroir me confirme le désastre...
Pourquoi j'ai fait ça ? Pourquoooooi ???

Sanglots. Longs.


L'Homme se radine peu après.

- Chéri, j'ai grossi.
- Mais non.
- Si, j'ai grossi.
- Je vois rien.
- Dis-moi la vérité, j'ai grossi.
- Ça te va bien.
- Ah, tu vois que j'ai grossi !!!

Toute ressemblance avec une scène chez toi serait totalement fortuite.


Sanglots. Très très longs.

vendredi 24 avril 2020

J39 - A égalité (ou presque)

Agnes Varda histoire femme Paris – Vivre Paris
On a toutes quelque chose en nous d'Agnès Varda.



T'as déjà réfléchi que ce confinement a des relents égalitaires, sous ses airs révélateurs de fractures sociales ?

Regarde Amandine de la Michocu. Elle pâtit atrocement d'être privée de James Blond, son coiffeur visagiste biberonné chez Carita, de Sylvette sa femme de ménage méticuleuse, cuisinière émérite à l'occasion, et de Pauline, la babysitter toujours dispo pour ses trois mioches sapés en Tartelette et Chocopops.

Amandine s'est exilée précipitamment dans sa baraque familiale mal chauffée de Saint-Jean-de-Luz où Patrick, l'homme à tout faire recommandé par la voisine, a laissé les ronces s'émanciper tout l'hiver et n'a pas effectué à temps les menus travaux de tuyauterie. Ça couine et grince de partout. Il y a une légère fuite dans la salle de bains. Mais Patrick ne passera pas ; il s'est confiné à Saint-Sébastien. (Attention, astuce !)

Saint-Jean-de-Luz, c'était fun quand Amandine pouvait aller faire trempette au bord de l'eau (franchement, je préfère le lac de Castéra-Verduzan ou de Jablines...) après avoir bronzé sur la plage (posologie : crème SPF 50 Dior trois fois par jour), dîner au restau et se balader le long du port, main dans la main avec Louis, resté à quai gare Montparnasse. Quand elle se faisait sa cure de désintoxication numérique estivale (obligatoire là-bas de toute façon).

Amandine a des racines blanches comme toi, le balayage miel poisseux et un maillot digne de la forêt amazonienne.  Ça lui frisotte jusqu'aux genoux. Elle aimerait bien claquer de l'oseille dans une connerie pour oublier mais les boutiques essentielles ont sournoisement baissé leur rideau. A défaut, elle se rabat sur une échoppe typique où elle dégote un axoa de veau au piment d'Espelette, un frometon de brebis et puis tiens un Irouleguy, ça pourra pas lui faire de mal. Tandis que toi t'es parti chercher des Pringles et de l'Ortolan à Carrefour Market.

Amandine se fait chier.
Elle qui adore le pittoresque des régions en vacances, pense à Paris avec amertume, à tout son confort resté au bercail, aux ballets et aux vernissages auxquels elle n'assistera pas, aux Dupont-Léchalote chez qui elle n'ira pas se pavaner dans une robe d'une marque pointue inconnue, au hachis parmentier après le coup de plumeau - qu'elle a promis de cuisiner pour le repas du midi - elle peine à comprendre la recette sur Marmiton dont le site plante de surcroît. Et ses gosses qui braillent en courant partout et pour lesquels elle n'a pas de manuel. (Ah non, ça c'est chez moi...)

Son argent, qui n'achète actuellement ni passe-droit ni liberté, ne peut rien y changer.

Dis pas du mal des riches, on ne sait jamais ce qui peut t'arriver.
Les Tricheurs, Bernard Lavilliers

mercredi 22 avril 2020

J37 - Grève

Dernière Cène, Jésus, Léonard De Vinci, Peinture
Réunion de la CGT au sujet d'une grève des boulangers et des vignerons.

La détente entre A. et Choupinet n'a pas que des avantages.

Certes je n'en étais qu'à ma première tasse de café lundi que la Petite avait déjà son sac sur le dos et s'installait à son pupitre en contreplaqué teck (tek est une orthographe également admise, je te le signale pour tes parties de Scrabble), piaillant d'impatience.
Mais cela fut de courte durée.
Très rapidement le travail proposé par Maîtresse fut selon elle ou trop facile ou trop difficile.
A. conclut un tel revirement par des propos clairs et nets le soir-même.

- J'ai envie de passer le confinement en jouant et en mangeant.

Ma constatation fut sans appel : l'ex-Fayotte s'était laissée influencer par le rejeton pour qui l'école est un lieu tout à fait superflu.

- Puis je voudrais faire l'apéro. Et même Noël ! Et même mon anniversaire !

Fort heureusement Choupinet eut une répartie qui calma les revendications de la Benjamine.

- Ton anniversaire, c'est dans plus d'un an !!!

Néanmoins, je dois reconnaître que je ressens aussi ponctuellement le besoin de savourer la fin de ce confinement - auquel je n'ai jamais adhéré car il n'a pour moi aucun sens dans la façon dont il a été mis en oeuvre.


L'avenir ? Il sera là demain de toute façon.

mardi 21 avril 2020

J36 - Reprise

Achat en ligne de conserve saint-mamet au fruit
Pour votre santé, mangez cinq fruits au sirop archi-sucré par jour.

On a bien fêté la reprise des cours. Ah ça, on s'est é-cla-tés ! Que pour le déj', c'était cantine à la maison !

On a bouffé au premier service, à 11 h 25.

La dame de la cantoche avait laissé pousser sa barbe pour nous faire une blague.

Y avait des cornichons dans des barquettes en guise d'entrée.
Ont suivi des cordons bleus industriels congelés en plat de résistance. Moi j'en ai pas eu, la dame de la cantoche me croit en détox. Mais comme la petite A. aime bien que je la fasse manger, je me suis proposée pour lui donner la béquée et j'ai piqué, ni vue ni connue je t'embrouille la nouille, des morceaux - ceux avec du fromage, genre Babybel fondu une minute au micro-ondes puissance minimale - qui dégoulinait de tous les côtés du jambon à 65 % de sel ajouté.
Les mômes n'ont pas touché à leur purée crécy (trop de légume), ils se sont gavés de pain blanc caoutchouteux mais qui cale. Ils ont balourdé quelques boulettes de mie çà et là, plutôt là et çà d'ailleurs.

J'ai un regret toutefois...

La dame de la cantoche, elle a pas apporté de fruits au sirop au dessert.
Avec le confinement, les traditions se perdent...

lundi 20 avril 2020

J35 - Point confinement

Grant Wood - American Gothic - Google Art Project.jpg
"Au prochain virus, je me confine dans une piaule de 6 m2 à Saint-Sulpice, avec un bel étudiant.
Ras-la-raie-au-milieu de ce rabat-joie et du taf dans les champs !"


Mon gésier confit,

Dis-moi, je me suis pas gourée dans le comptage de jours ? On en est bien à trente-cinq ? Faut me le signaler quand je me plante. Faut pas avoir peur.
Ce confinement engendre une telle distorsion du temps que je ne sais plus où j'en suis (par contre je peux te dire sans problème où je suis). Je crois même qu'on sera arrivé au bout, on lancera à Gertrude notre voisine velue :
- Ah ben c'est passé vite dis don' finalement !
- A qui le dites-vous, ma brave dame ! J'ai pas encore terminé mon point de croix sur une chasse à courre dans les Cévennes !

Rien à voir mais quelqu'un peut-il demander à A. de cesser de m'enfiler une paire de chaussettes sur les panards, j'ai chaud et à Choupinet de me causer durant ma phase d'écriture matinale. Merci. Ces enfants sont en manque de moi, je viens de m'auto-séquestrée cinq minutes aux chiottes...

Je me suis habituée à rester enfermée (faut dire, j'ai du mal à avancer avec la camisole dont l'Homme m'a affublée). Cinq jours que je suis dedans. De ma propre volonté. Même pas mis le nez à la fenêtre. Je ne trouve plus suspect que des gens kiffent "leur cage dorée" comme ils disent. 
C'est vrai, là t'es protégé  du vilain extérieur, t'as pas à correspondre à une image fantasmée par la société, tu peux boulotter des mille-feuilles maison sans craindre le jugement des autres (lui, il va grossir / il mange comme un porcos / c'est pas un Michalak), tu peux vivre à ton rythme, mettre deux heures pour prendre le petit-déjeuner si ça te botte ou te coucher à 4 heures sans avoir besoin d'aller twerker au Plouky Night.
Pour certains, ça va faire bobo au mental le déconfinement...
Plus inquiétant encore pour tous, il faudra parvenir à renfiler des shoes...

Autrement, les vacances de Pâques s'achèvent. On a eu la bourde d'un dimanche de pré-rentrée hier. Ça tombait bien, c'était un dimanche et c'était la pré-rentrée. Ça a fait étrange de dire aux gosses :
- Demain l'école reprend !
tandis que les cours auront lieu at home.
A. a son sac sur le dos depuis 7 h 35 et a démarré son harcèlement scolaire avec moi.
Alors j'ai une question : si la SPA a rouvert ses portes. Pourquoi pas les orphelinats ?

L'Ado sait que la Petite Souris n'est pas assignée à résidence. Donc il perd tout le restant de ses dents de lait (déjà quatre et une qui bouge). La Petite aussi est impatiente de paumer une quenotte.
- Mamounette, est-ce que cette dent elle va tomber ?
- Pas encore, Bichette, quand tu auras six ans.
- Et ce sera pendant le confinement ?
Selon les prédictions de A., il nous en reste pour neuf mois minimum...

On assiste à un rapprochement des deux benjamins de la fratrie. Je veux dire, un rapprochement où ils ne catchent pas mais collaborent lors de jeux de doudous ou de petits soldats (misère). Je crois que c'est "l'effet slip". Leur trip à A. et Choupinet, c'est la vie en culotte. Assez économique comme tenue. On tient un truc pour la décroissance.

J'ai une requête auprès de celui qui a lancé les applaudissements pour les soignants à 20 h 00. Chez nous, personne ne frappe dans ses mains mais les cloches de la cathédrale en face de laquelle j'habite sonnent à tout rompre pendant cinq minutes.
Or, à 20 h 00, avec l'Homme, on se fait désormais notre ordi-cinérama et les dialogues deviennent inaudibles.
Serait-ce donc possible de décaler l'hommage d'une heure plus tôt environ, soit vers 19 h 00 ?
Ce serait sympa de penser aux autres.

Samedi on a répondu M. le Mari et moi au défi lancé par la Grande. Reproduire grandeur nature American Gothic de Grant Wood. On a pas mal assuré.
Pour la devinette de l'Ado en revanche...
- Maman, 6 + 7, ça fait "onze" "zonze" ou "tonze" ?
- Euh, onze ?
J'étais en plein squat sumo aussi, j'ai une excuse.

Juste pour clore ce point confinement avec élégance, à notre partie de Scrabble d'hier avec l'Homme et l'Ado, j'ai placé mes trois dernières lettres en beauté : "PET", mot compte triple.


A demain, mon petit râble de lapin !


dimanche 19 avril 2020

J34 - Tatoo

Mise en garde :
Cet article contient des propos vulgaires et potentiellement choquants. Tu m'excuseras bien, j'avais un besoin express de me défouler.

Tatouage, Main, Mains, Couple
Tatouage cheap mais complémentaire réalisé à la fin du 1er confinement.

Le confinement peut vachement changer notre perception des choses, chais pas si t'as remarqué.

T'as des parigots dans le marketing, ils tripent de vivre à Plouguestel-Lès-Articho où ils pourront se saouler au Chouchen en se plongeant dans leur prochaine campagne de pub sur le 4 x 4 Toyota Pureté .
Des mémères du seizième se prennent pour Saint François d'Assise et mettent de côté leur plus beau manteau en alpaga pour leur bonne. (De toute façon, ce trente-huit il leur allait un peu moins bien qu'à vingt ans.)
Des gonzes se souviennent des rêves de leur cinq ans, ils voulaient être pompiers, faudra qu'ils s'inscrivent à la formation SST à la rentrée qui est prise en charge avec leur CPF.
T'as même un gars qui veut créer une box créative de masques en macramé pour soirées échangistes. Il a déjà un plan pour exposer au salon de l'érotisme à Tarbes ; il flippe juste que ce soit analé annulé. (Tu sais, toi, s'il va bien avoir lieu ce salon ? C'est pas pour moi, c'est pour une copine anthropologue.)

De mon côté, je tente de prendre soin de moi, des miens et de pas laisser crever mes orchidées. C'est modeste.
Trop ?

J'ai dit à la Grande :

- Ma chérie, on peut pas se contenter de survivre comme des bêtes. J'en peux plus de bip avec ton père. Les femelles de la faune, elles ont des teuchas en latex, c'est ça ? Look, poulette, ils sont tous en mode projet. Et nous on fait rien qu'à vivre dans le présent ! Excepté toi avec tout le Nutella dont tu t'empiffres. Mon cœur, tu comptes hiberner les prochains mois d'été ou quoi ? Tsé quoi ? On ira se faire tatouer une connerie ensemble chiche (kebab).

Ainsi naquit le projet "tatouage en tandem". (En plus d'un tatouage d'un titre d'ouvrage de San-Antonio au-dessus d'une fesse, désir vieux comme Hérode.)
La gamine, toujours partante pour une déconne avec sa Moula s'interrogea :

- Ce serait le même pour nous deux ou ?
- Je verrais bien complémentaire.

Il n'en fallut pas plus pour que l'aînée de la fratrie m'envoie  illico des tophes Pinterest de tatoos à se dispatcher : des trucs trop mimi, genre le renard et Le Petit Prince.
J'ai pensé "Moi aussi faut que je m'investisse dans notre projet !"
Et puis... c'est parti en live par SMS.

Tatouage :
Jeanne et Serge (Jeanne étant son prénom, ndlr)
Jeanne et Peggy Ayaz
Lol

Mdrrrrr

Un steak et des couverts
Une poule et un poussin
Une bite et un clitoris
On a l'embarras du choix en fait !

Mrrrr jpp (j'en peux plus, ndlr)
Pas un truc mort ni moche !

Une fleur et une abeille
Un requin et une arête de poisson
Un arc en ciel et une licorne
Hermione et Harry Potter
Dumb and Dumber

Une fleur et une abeille
Un requin et un autre requin
Samy et Scooby
Une bouteille et un verre de vin

J'y crois pas. On a écrit les mêmes trucs !!!

Nooon, j'ai repris ceux que j'aimais bien dans ton msg mdrrr

Lolilol
Un cornet et deux boules
Jamy et Fred
Loana et Nabilla
Nabilla et un shampoing
Un shampoing et une perruque
Une perruque et le signe du cancer
Un cancer et un lion (nos signes astrologiques, ndlr)

Mdrrr
Oui un crabe et un lion 

Un aigle et une moto

Mdrrr un peu de sérieux voyoooons

Un aigle casqué et un char
Donald Trump et une mèche blonde
Mamaaaan

Pardon...
Je sais ! Igor et Grichka !


Faut que je me ressaisisse, je crois. Sinon ma Grande, elle va craquer.
Surtout qu'on n'a choisi ni les endroits sur le corps ni le tatoueur...

samedi 18 avril 2020

J33 - Paris qui dort

Paris qui dort | Philharmonie de Paris
"Flexion / extension ! Et dites trente-trois !"

Après l'apéro du vendredi, thème pizza en pyjmoissa, avec l'Homme on s'est payé un film assez récent (1923). J't'en cause dans l'appareil parce que Paris qui dort est un muet très raccord avec notre confinement à toi et moi, mon chou.

Figure-toi qu'un matin, le gardien de nuit de la Tour Eiffel n'est pas relevé de ses fonctions. Il poireaute. Fais chier, René, toujours à la bourre !

Quand notre gardien abandonné se décide à faire un peu d'abdos fessiers en descendant la Tour par les escaliers, il se rend compte que Paris s'est arrêtée. Les gens sont figés et toute l'économie est stoppée.
Et pas un seul premier ministre à avoir prévenu deux heures avant pour que les restaus puissent anticiper par rapport à leurs denrées périssables et les commandes de stock ! Pas un seul cri de liesse à l'heure fatidique pour célébrer la fin des bars cafés discothèques ! Personne pour se précipiter gare Montparnasse !

Alors notre gardien comprend qu'il doit se mettre au chômage partiel. Il est plutôt content à vrai dire. Il a pas l'air préoccupé par la situation. En même temps, il a pas maté les infos sur Internet donc il sait pas s'il y a un virus à cause d'un mec qu'aurait gobé une mouche tsé-tsé ou un savant fou qui a voulu neutraliser le monde. (je te spoile, c'est le savant fou.) La crise financière ça l'inquiète pas tant que ça, y aura toujours des abrutis qui feront deux heures de queue pour monter dans un ascenseur.

En chemin il rencontre quatre hommes et une femme, eux-mêmes rescapés de l'épidémie. Tout comme notre gardien, ils se trouvaient dans les airs à 3 h 25 ; ce qui les a sauvés.
Effectivement, tandis que notre gardien assumait son job tout en haut de la Tour Eiffel, eux étaient dans un avion en provenance de Marseille.

Les six comparses vont, pour se ravitailler, squatter au Fouquet's ou au McDo, on sait pas mais à vue de nez ça paraît être plus le Fouquet's, où ils boivent comme des trous et dépouillent les autres protagonistes endormis. Et hop, un petit trois rangs et un vison argenté pour la dame et hop, des billets de mille balles ! Dans la gêne, y a pas de plaisir.

Bon, va falloir songer à se confiner ! Ils ont largement dépassé le cadre de leurs attestations !!! Heureusement que le poulet qui fait partie de la bande n'est pas trop regardant sur les larcins perpétrés et les règles à respecter...

- On va pas se calfeutrer au Plaza Athénée ! Y a qu'une courette de mes deux, pas de jardin. Moi j'ai besoin de pouvoir respirer dit le gardien de la Tour Eiffel. Venez, je vous invite, on va squatter des barres de fer à 250 mètres de hauteur, on va bien se marrer. Pour se laver, on ira se baigner vite fait dans le bassin du Troca.
- Et pour popo, on fera comment ?
- Vous imiterez les paresseux en descendant à terre une fois par semaine.

Donc ils vont faire les cons comme Sylvain Tesson en grimpant partout sur la Tour Eiffel. Mais eux, ils se cassent pas la tronche. Niveau cascades, ils assurent façon Belmondo.

Au bout de pas trop longtemps, ils se font suer grave de chez grave. C'est pas trop délire ce confinement au final.
La meuf elle égrène ses colliers de perle et le gardien il jette tous ses biftons dans le vide en soupirant. Les parures c'est fait pour pavoiser en société et le fric pour être dépensé.
Or ils peuvent rien en faire de leurs signes extérieurs de richesse (volée). Ils ont paumé leur carte bleue en plus ; ils peuvent rien commander sur Amazon...

- Qu'est-ce qu'on s'emmerde... dit le gardien.
- Si on niquait ? l'interroge la fille. Ça passerait le temps. J'ai un préservatif sur moi, un manix orgazmax plus, avec une texture maxi perlée.

La conversation ne tombe pas dans les oreilles de sourds. Un unique préservatif pour cinq. Ça va être chaud patate. Ils sont devenus pro recyclage et s'essuient le fion avec des feuilles de platane mais y a des limites !

Du coup tous nos amis se foutent sur la gueule dans un somptueux copainticide - qu'heureusement personne n'est blessé dans la bataille - jusqu'à ce que la radio de la Tour Eiffel émette un signal à la voix féminine. Y a quelqu'un dans une rue de la Capitale qui peut aussi bouffer, boire et baiser (Youpi !) et leur donne rendez-vous dans une rue dont j'ai pas retenu le nom à la con.  Go go go !

- Je coche quelle case sur l'attestation ? fait la gonzesse.
- On s'en balek. T'es une rebelle oui ou merde ?
- Ah ben ouais, t'as raison.

Une fois parvenus dans la rue non précitée, ils délivrent la nièce et assistante d'un savant fou (celui dont je t'ai parlé au début) qui a réalisé une machine infernale avec des ampoules et un joystick du dernier cri pour ce que tu sais. Ah le bouffon !

Les hommes oublient complètement leur érection Rocco Siffredi en voyant l'assistante (elle est pas trop sexy avec sa jupe Couvent des Ursulines mais c'est pas un boudin non plus, faut pas exagérer) et préfèrent faire cesser les activités illégales et arbitraires du savant fou. Peut-être qu'ils ont envie que les coiffeurs puissent à nouveau être opérationnels ? Sans soins, la mise en plis des nénettes tournent un peu de la frisette...

Ils font deux trois prises de karaté au génie diabolique et la normale se rétablit.

Oui mais ils ont liquidé leur flouze, ces gros nazes. Ils peuvent même pas prendre un taxi écolo tracté par des purs-sangs arabes.
Le déconfinement c'est pas une période si heureuse que ça... Va falloir retourner au taf avec cette peste de Micheline et Riton-pue-de-la-gueule ou retrouver ces  blaireaux de touristes à la peau bistre.
Ils avaient pris plein de bonnes résolutions, du temps pas de l'argent, et wala, chasse le naturel, il revient au galop.  Puis ils sont pas aidés. Les gens, quand ils apprennent le temps qu'ils ont perdu (quatre jours), ils veulent le rattraper et la frénésie reprend ses droits et repart de plus belle.

Te dire ce que ça va donner après deux mois de privation...

vendredi 17 avril 2020

J32 - Mon premier Rohmer

Cinéma "Ma nuit chez Maud" - cinema - CultureSecrets
"Tu te confines avec moi ?
Si tu veux, je pourrai te lancer des vacheries jusqu'à deux heures du mat'."

Le soir, d'ordinaire, je lis. Parfaitement, tous les soirs. On n'a pas de télé. Tu te trouves chez un prof ici, paie ton cliché.
Mais là, c'est le confinement, je te rappelle, au cas où tu l'aurais oublié.
Je fais rien comme d'hab. "Je tournerai une page quand on aura tourné la page", c'est mon mantra.

Alors, pour me nourrir lors de ces belles soirées de printemps où je suis si heureuse de me poser enfin chez moi après avoir zoné toute la journée dans mon intérieur, je regarde un reportage ou un film en famille.
On a une DVDthèque assez éclectique : de MacBeth d'Orson Welles (au hasard pour L'Homme) à 300 (pour moi pour les enfants, ces  mini butors qui kiffent les hommes à poil, tout en muscles glabres avec des glaives, mmmm), en passant par des Jacques Demy (pour moi, moi, moi). 
Mais comme je suis spoliée niveau choix du chef-d'oeuvre, je vois jamais Le roi Scorpion La momie Le choc des titans Les parapluies de Cherbourg. Je mate en avant-première le nouvel Abel Gance. Les mômes sont ravis au lit aussi.

Depuis quelques jours, on fait DVD à part avec les enfants, histoire de respirer un brin.
Eux vont dans la chambre de la Petite où ils ont décidé tous les trois de se confiner la nuit, on leur prête l'ordi portable et pro du père (écran 16 cm x 16 cm), c'est la fête, et à nous le salon ! A nous le salon, t'entends ?! Le salon pour nous tout seuls ! Le salon pour lui, le salon pour moi ! Le salon, le salon, le salon, tralalalalalala ! Tous en chœur : le saloooooooon pour nous !!!
Oui, merci chéri, j'ai pris mes gouttes.


Mardi, M. le mari, harassé après un après-midi Mako moulages, me dit en cliquant sur Arte.tv (c'était ça ou le site de la cinémathèque. J'aurai jamais mon replay de Joséphine, ange gardien...) :

- Chérie, on se fait un Rohmer ?

La proposition était franchement osée. J'étais presque choquée. Lui qu'avait pas voulu que je fasse un moulage de sa noble anatomie à 15 h 30 ...
Faut que je t'avoue, on n'a aucun Rohmer. On a juste un film savoureux (je te le conseille vivement) sur Rohmer, Maestro, avec Michael Lonsdale et Pio Marmaï où tu te dis que malgré toutes les rumeurs, Rohmer il devait être poilant. Maestro, il te donne envie de commander fissa le coffret intégral vingt-six DVD du fameux réalisateur. Après attention, c'est dur de le refiler sur Leboncoin...

- C'est quoi ? je lui ai balancé, style "j'm'y connais moi !"
- Ma nuit chez Maud, avec Jean-Louis Trin-ti-gnant. (Il a bien appuyé sur le Trintignant, comme tu le constates.)

Me vendre du JLT. Si c'était pas petit, ça !
La voix de JLT, le sourire de JLT. T'aurais résisté, toi ?
En revanche, je te le dis tout de suite, dans Ma nuit chez Maud, JLT, il a une coupe capillaire de confinement...

- Oh ben ouais tiens, pourquoi pas... je lui ai répondu hypocritement.

Ainsi j'ai été embarquée à visionner le premier (et tout dernier ?) Rohmer de ma vie.
Rohmer, c'est bien. Quand t'aimes.
Je te fais le résumé de Ma nuit chez Maud.

JLT est un ouvrier ingénieur catholique chez Michelin à Clermont-Ferrand où il a l'air de faire un bon temps de merde fin décembre mais où les troquets à la Café de Flore - la province est si belle quand elle ressemble à Paname -  sont ouverts. (Il y a une époque lointaine où on pouvait s'abreuver dans des bistrots, je sais pas si tu te souviens.) JLT quand il déjeune pas avec ses collègues sélects à la cantoche de Michelin, il aime bien faire des tours en bagnole pour te faire gerber pendant le film et  se faire des Soduku probabilités mathématiques. Il vit seul et sa marotte, c'est la branlette intellectuelle ou aller à la messe (t'inquiète si les églises sont fermées le dimanche, avec Ma nuit chez Maud, t'as l'eucharistie en direct). Il tripe sur une blondinette qu'il voudrait épouser aka Marie-Christine Barrault.
Un mec fun, quoi.
Peu avant Noël donc, il rencontre dans un café (Il y a une époque lointaine où on pouvait s'abreuver dans des bistrots, pour mémoire.), par pure coïncidence - ce qui suscite chez lui le besoin de calculer les probabilités de ces retrouvailles - une vieille amitié datant du lycée.
Comme les deux compères ne se sont pas vus depuis quinze ans, ils ont tout de suite envie d'échanger sur Blaise Pascal. Moi aussi, c'est ce que j'aurais fait.
Après ces joutes philosophiques, son pote qui est du reste mécano dans un garage prof de philo dans un lycée de banlieue à la fac, l'invite à passer avec lui Noël (toujours) chez une amie divorcée, caissière à Prisunic médecin.
JLT il hésite, il hésite. Puis il dit oui.
Chez la gonzesse, Maud (Françoise Fabian), c'est la bonne prise de tête : la baisse du pouvoir d'achat tout ça retour sur Blaise Pascal et le jansénisme.
Ah on s'éclate le 25 décembre, je te dis pas !
Conspiration du poto et de Maud. JLT doit rester dormir chez la fille qui tente de le séduire en le cassant façon Brice de Nice sauce bourgeoisie, dans la chemise de nuit de la grand-mère du Petit Chaperon rouge. Lui reste maître de lui-même, il refuse les avances masquées sous des tirades où t'as intérêt à avoir avalé cinquante Guronsan avant. La meuf, dont le pieu trône dans sa salle à manger comme celui d'un étudiant fauché, est tellement chiante, qu'à la place de JLT je l'aurais assommée avec la bouteille de beaujolais nouveau Chanturgue restée sur la table au lieu de lui apporter un briquet / un verre d'eau (/ une mandale ?) tel un larbin dans un Sacha Guitry.
Au bout de trois heures - t'as un peu loupé du film parce que t'es allé te chercher trois tasses de café noir, six Doliprane et repris du Guronsan - JLT pionce tout habillé aux côté de Maud qui a ôté son habit de nuit entre-temps. Tous deux se réveillent et là, t'assistes à la scène la plus torride qui soit : JLT se rue sur Maud pour l'embrasser sur la joue. Mais amoureux de sa godiche blonde, il repousse la relou violemment. Au même instant, "C'est oui ou bien c'est non ?!" chantonne Angèle sur le tourne-disques.
Bon voilà.
On en est aux trois quarts.
C'est pas fini.
Cependant c'est un résumé. Alors résumons.
JLT se décide à draguer et épouser la prude blondinette qui n'était pas si blanchotte car t'apprends (enfin Rohmer fait mine de t'apprendre après tant de péripéties palpitantes) que oh, la grenouille de bénitier, n'était autre que la maîtresse de l'ex-mari de Maud !
La boucle est bouclée.
On s'est bien amusés. (Même l'Homme qui s'est endormi sournoisement.)