"Mate Raymond, ça c'est l'appli StopCovid.
Et ça, c'est toi à poil sur Insta."
Avec le confinement, je suis devenue bipolaire. (J'ai du bol malgré tout parce que je ne peux pas effectuer d'achats compulsifs.)
Il s'agit d'un trouble bipolaire dit "à la vitesse de la lumière", constitué d'une succession accélérée de phases contenant des épisodes dépressifs. C'est-à-dire que dans une journée ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas, ça va, ça va pas.
Je continue ou t'as pigé le concept ?
Quand ça va... ben rien, ça va, quoi.
Quand ça va pas... j'ai envie de bouffer de la mort aux rats en me pendant par les oreilles au-dessus d'une baignoire remplie d'acide et de clous. Tu vois, le bidule classique de quand ça va pas, quoi.
Pour réguler mon humeur et sauver ma santé mentale, je réfléchis à un projet professionnel de coach sportif, spécialité Entorse & Luxation (projet en alternance avec celui d'instit' option Bracasse) et pousse l'Homme à utiliser notre Ausw... Autorisation de déplacement pour une heure de promenade quotidienne (une demi-heure en vérité...)
Jusqu'à présent, on partait à la découverte des inédits de notre bled qui pourraient figurer dans Marie-Claire Banlieue. Mais attention, dans le périmètre du kilomètre autorisé ! De toute façon, si tu dépasses la borne, tu te retrouves dans un champ...
On croisait tous les clodos, marginaux sous LSD et consorts sympathiques que contient notre ville. On faisait tout comme une action sociale en somme.
Hier de retour, quatre bagnoles se garent à la Starsky et Hutch (lalalalalala) au bout de notre rue piétonne. M'est d'avis que notre Préfète a reçu un petit coup de phone nerveux de la Capitale. Ca a dû castaner...
Des gros bras se pointent vers nous. Moi, je suis radieuse : je suis dans mon moment "ça va" et je vais quand même pouvoir montrer mon Ausw... Autorisation, depuis le temps. J'ai déjà la main sur ma banane (une banane comme dans les années 80, avec inscrit dessus "Berlin" que la Grande m'a rapportée de... Berlin. Mais elle a dit qu'il fallait surtout pas l'attacher autour de la taille, ça c'était craignos, faut la mettre en bandoulière façon écolière, ça c'est chicos. Donc j'ai ma banane sous le bras...). Je tremble légèrement. L'émotion...
- Qu'est-ce que vous faites ?! nous aboie un Dobermann.
Oh l'autre ! Tu me causes autrement de ta bouche, toi ! On dit "Bonjour" d'abord quand on est poli (et qu'on n'a pas de biceps).
On va pour lui répondre en gentils caniches mais en fait il n'en a cure. (Je parle bien putain !) Il a envie de nous enguirlander.
- Vous m'en engueulerez vingt sur votre passage ! a insisté Madame la Préfète. De préférence des personnes de base dans les quartiers huppés. Quoi Raymond ? Ah niet, vous n'allez pas dans les cités. J'ai dit non, Raymond. Ecoutez ce que je dis, merde !
Et vas-y, il nous fait la morale de l'histoire.
Je te la fais courte. En gros, j'ai des haltères aux chevilles (mon meilleur achat de l'année 2019, qui l'eût cru) et donc pour lui je dois avoir une activité sportive. Mais pas individuelle vu que je suis avec M. le Mari ! Je dis que là je fais pas du sport (je suis en jean, oh !), je fais une promenade avec une personne de mon domicile.
- L'activité physique doit être individuelle, Madame !
Je te dis que je fais une promenade, bordel.
- Monsieur l'agent de mes couilles, regardez c'est marqué là et j'ai tout bien suivi les lives des journaux pour connaître mes devoirs et mes droits, JE FAIS UNE PROMENADE DE MOINS D'UNE HEURE DANS UN RAYON D'UN KILOMÈTRE AVEC MON MARI AVEC QUI JE VIS.
Vous faites de l'activité physique et elle doit être individuelle.
Je vous répète que je fais une promenade avec une personne de mon domicile, c'est écrit ici.
Scène à multiplier par 5 voire 10.
Alors l'Homme la joue pathos.
- On est confinés avec trois enfants en appartement et sans balcon. On a besoin de s'aérer. Surtout ma femme qui devient bipolaire. Vous connaissez un bon HP pas trop cher ? On est de la même famille, elle et moi. Ça ne pose pas de problème... J'ai même demandé l'autre fois à des policiers si j'avais le droit de sortir avec les enfants et ils ont dit que c'était également possible. (C'est vrai, j'étais présente.)
Il est à deux doigts de monter récupérer le livret de famille, M. le Mari ! Et ça fonctionne auprès du cerbère.
- Je comprends, c'est les vacances et il fait beau. Avec les enfants vous pouvez vous balader. Ma femme, elle, elle sort avec les enfants. Mais seulement avec les enfants, compris ? Là je ferme les yeux mais...
?????????????
Je te le refais.
?????????????
Je passe la porte de mon logis, la migraine me reprend et je reviens dans un moment "Ça va pas +++ ". J'ai l'idée que je changerai un néon en prenant mon bain tout à l'heure.
Conclusion :
Si t'as un clebs, tu as le droit de promener ton clebs. Si t'as pas de clebs, tu as le droit de promener ton gosse. Mais si t'as pas de gosse, t'as pas le droit de promener ta meuf.
Si t'as un clebs, tu as le droit de promener ton clebs. Si t'as pas de clebs, tu as le droit de promener ton gosse. Mais si t'as pas de gosse, t'as pas le droit de promener ta meuf.
PS : Imagine si tu vas faire tes courses en courant ou si tu en profites pour faire tes courses en te baladant, la prune que tu vas te prendre...
