dimanche 10 mai 2020

J55 BIS - Un jour sans fin

Pendule À Coucou, Forêt Noire, Horloge, Chiffres
La pendule de l'entrée s'est arrêtée sur midi
A ce moment très précis
Où tu m'as dit je vais partir
Et puis tu es resté. 
(Ben ouais, y avait encore le confinement, imbécile !)


Tiens, et si je me levais tôt pour bien profiter de cette dernière journée de confinement ?
Idées du matin, idées chagrin.

Mais qu'est-ce que je me suis fait chier !

Il flottait à verse, les aiguilles de la pendule tournaient à reculons. (Je possède pas de pendule, je trouve que ça sonne bien.)
A 15 heures, ça faisait déjà trente-six heures que j'étais levée !

Je me sentais triste, morose, morne et peut-être triste encore.

Je songeai que demain, le temps serait encore plus dégueulasse et que rien ne changerait fondamentalement, Trésor.
Déjà tous les commerces sont fermés le lundi dans ma ville.
Un déconfinement le premier jour de la semaine soit un lundi, c'est pas abusé ?!

Nous sommes en zone verte mais les parcs, jardins (où bronzer et pourquoi pas occuper les mioches), berges (seul endroit où se balader à peu près agréablement), bibliothèque (deuxième maison des gosses) ne rouvriront pas, décision du Maire.
Je continuerai également l'école à la maison pendant plusieurs semaines. (Déconfinement le 11 mai, reprise de l'école à temps très partiel le 1er juin pour les garçons. Bravo !)
Tu connais le proverbe "Confinement un jour, confinement toujours !" ?

Poussée par le désespoir, je me suis réfugiée dans la salle de bains pour raser mes jambes. J'ai passé l'épilateur encore et encore. (C'était que le début etc.) Je pouvais plus m'arrêter. J'étais en osmose avec Roland, qui promène sa tondeuse dans son jardin tous les jours depuis le début du confinement.
Après avoir pelé mes pattounes, je suis allée trouver l'Homme.

- On peut manger à quatre heures vingt ? 
- Ben comme d'habitude, chérie...
- Pas le goûter, je te parle du dîner.

Enfin je me suis battue avec lui pour vider le lave-vaisselle et étendre le linge. Il a pris un tee-shirt dans la bassine pour m'aider (habitude oblige), je lui ai foutu un coup de latte dans le tibia.
- Laisse-moi m'occuper, merde ! j'ai hurlé.
Tu vois comme ça allait vraiment mal dans ma tête.

J'ai repris un bain avec de l'huile essentielle de lavande (noyée dans du miel) et un verre de blanc (que j'ai versé dans mon gosier, pas dans la baignoire, ça sert à rien). J'ai tellement savonné mon corps que j'avais des excroissances de bulles sur la peau en sortant de l'eau.

Il est 18 heures. Et je m'en tape. Je veux hiberner (et c'est bon, j'ai fait les réserves depuis deux mois). J'attends mardi au minimum. Car mardi soir, la Grande revient. La Grande revient, tu m'entends ?

J55 - Bilan

Vêtements, Des Vêtements De Bébé, Strickwäsche
- Faut que je fasse mon bilan du confinement, moi dimanche !
- Faut peut-être faire les armoires des enfants...


Mon décomposé,

La fin du confinement a-t-elle également généré chez toi une insomnie cette nuit ?
Je déteste être seule à ruminer, les yeux grand ouverts, sous la lumière de la lune. Et toi ?

- Oh, tu dors ?! ai-je interrogé l'Homme.
Mais ça l'a pas réveillé...
- Eh eh, tu dors ?! ai-je à nouveau tenté en le secouant comme un prunier.
I
l a continué à faire du bruit avec son nez ; ce qui signifiait qu'il n'était pas tout à fait mort.

Quel bilan pourrais-je dresser, quels enseignements tirer de cette période si spéciale ?
Le plus rapide, serait peut-être que tu (re)lises tout ce blog depuis son commencement pour t'en faire une idée ? C'est rien... 68 articles...

Si je dois récapituler (ce que tu peux être feignant tout de même !), et de manière plus sérieuse, je parlerais d'"émotions complexes et exacerbées" dues à une "rupture d'équilibre", à un "sentiment d'impuissance", au "manque".
L'annonce du confinement a été si brutale et violente pour moi que j'ai eu l'impression de me prendre un trente-huit tonnes (où tu veux).

En premier lieu, et de loin, la peur, non pas du virus, mais des répercussions socio-économiques.
Comment et à quel point tant de personnes allaient être négativement impactées m'obsédaient. Telle
 une adolescente révoltée par la faim dans le monde, je ne pouvais pas me défaire de tous ces dommages collatéraux dont j'avais une vision très nette et dont j'avais l'impression, juste je crois, qu'ils étaient omis pour faire passer la pilule. Mais je n'ai pas de pensées magiques et la compassion seule ne sert pas à grand chose. J'ai dû accepter le malheur pour être en mesure de m'occuper au mieux des miens et de moi-même, seule action que je pouvais mener fructueusement.
Puis la frustration d'être privée de ma liberté et d'une vie choisie dans laquelle j'étais épanouie, dans laquelle, tu l'auras compris, je me sentais utile pour les autres.
Enfin, la colère dans la gestion de cette crise par notre gouvernement.

Pour trouver du temps pour moi dans cette promiscuité et cette absence d'intimité, j'ai écrit et fait une heure de gymnastique, tous les jours. Il me fallait libérer mon esprit en mettant à distance mes ressentis et agir sur mon corps.
Je n'ai rien d'une Mater dolorosa. J'ai besoin aussi de me réaliser personnellement et, sitôt mes tâches exécutées, j'avais le sentiment du devoir accompli, vis-à-vis de moi-même.

Bien sûr, j'ai savouré de découvrir d'autres facettes de mes enfants, de prendre du bon temps avec eux ou tout simplement d'être auprès d'eux et de les regarder vivre.
La Petite a appris à beugler en yaourt Scorpions, AC/DC ou encore Kiss et j'en ai été la première spectatrice !
Toutefois ce ne fut pas une révélation. J'ai toujours coûte que coûte privilégié ma vie de famille et fait en sorte d'avoir la meilleure articulation entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle. Je n'ai pas d'ambitions démesurées, si ce n'est de tenter d'être le plus possible en accord avec moi-même, et mes désirs sans renier mes valeurs. Et je t'avouerai que c'est un travail de longue haleine, constitué de jolies satisfactions et de durs renoncements.

Tu prends cher pour les séances de psychanalyse ?

Ces 55 jours, où sont apparues sur mon crâne des pousses de cheveux blancs, ne sont pas pour moi une parenthèse en soi et je ne crois pas avoir découvert ce que je ne savais déjà. Que j'ai envie de prendre des cours de chant, que j'aime aimer, faire des câlins, rêver, flâner sous le soleil, rire et danser follement.
Et que j'aurai toute ma vie vingt ans. OK, trente-cinq...