mardi 31 mars 2020

J15 - Rendez-vous



Le calendrier familial n'était plus qu'une feuille blanche, quand la dernière page avait été tournée.
(Ce blog a été piraté par Marc Levy.)
Lui qui, auparavant, avait dès poltron-minette des allures d'agenda de Secrétaire d'Etat...
8 h 00 : Envoi de petits mots olé olé à mes collègues
8 h 15 : Réunion de recadrage avec Manu
8 h 30 : café croissants offerts par l'initiateur des SMS SM
9 h 00 : Première bourde à BFM

Plus d'affaires de piscine à prévoir pour Choupinet, plus de rencards chez l'angiologue (Madame, je vous jure continuer à porter mes chaussettes de contention qui me confèrent le sex-appeal d'une Inuit.), chez le dentiste (Pour l'Homme. Moi j'ai le sourire de Julia Roberts. Ou de Robert July, sosie du chanteur de The Pogues.), chez le kiné, plus d'activités pour les mioches, plus d'aquabike, plus de rencontres professionnelles en tout genre, d'anniversaires de copains, de sorties culturelles, de réparations du lave-linge etc. Bref, t'imagines...

Le néant.

Mais hier, surprise !
Un message sur le 06 !
Les prémices d'un rendez-vous !
Avec un individu de la gent masculine !
Romantique.
Et galant.
"[...] Avez-vous des contraintes d'horaires ou puis-je vous proposer un créneau dans l'après-midi à partir de 14 h ? Merci. Bonne fin de journée. Paul"
C'est chiadé, non ?
J'y cause que j'ai pas de contrainte (hélas) et que j'attends son retour (avec impatience) concernant l'horaire.
J'ai le cœur qui bat la chamade.
(Marc Levy a refilé mon blog à Guillaume Musso...)
"16 h 10" si cela vous convient."
C'est chié, non ?
Paulo, il a un crush.
Je m'empresse de taper le date sur mon Google Calendar, vierge.
Comment je vais me saper ? Est-ce que je dois faire un brushing ? Est-ce que je dois enfiler des Sigvaris plumetis ? Je change enfin de pull ou bien ?
"C'est noté."
Je fais sobre. Pas trop l'intimider.
Puis laisser le charme opérer. L'attente forge le désir.

La journée s'étiole dans une fiole de formol.
(Oh Guillaume, t'as pas un peu déliré à passer mon blog à MC Solaar ?!)

A ce propos, je sais pas toi mais moi je trouve les jours longs et les semaines courtes. Encore un de ces mystères de la vie...

L'aube de la nuit point. Avec son lot de questionnements. Pour certains, philosophiques "Le confinement : épreuve ou opportunité". Pour d'autres, plus prosaïques.

- Chérie, alors, à quelle heure je dois récupérer la commande de bouffe au Locavor demain ?
- 16 h 10. Je pourrai t'accompagner ?

Légumes, Panier De Légumes, Récolte, Jardin, Salade
Trop de légumes tue les légumes.
Trop de fromage tue le fromage.
Et trop de chocolat, y en a toujours pas assez.
C'était un communiqué de l'Ado.

lundi 30 mars 2020

J14 - Point confinement

Chien, La Neige, Chien Saint-Bernard, Hiver, Animaux

Toute le monde n'a pas le privilège d'être confiné...

1. C'est la fête : quand je coupe mes ongles, il y a des serpentins dans le lavabo. Ça se marie bien avec les spots... de ma gueule.

2. J'ai eu le temps de dresser l'arbre généalogique de mes sourcils : ce sont les dignes descendants d'un balai-brosse. J'ai conçu un SmartArt de leur filiation complète avec Word pour ne pas perdre la boule la main.

3. Je peaufine mon concours de professeure des écoles, option bracasse. Je suis un entraînement intensif, plus mieux que celui de l'école normale IUFM ESPE INSPE. (Ils aiment ça les changements de nom à l'Education Nationale.)
Etre Maîtresse, c'est quoi au fond ? Tu choisis une chanson avec des animaux genre Un monde parfait d'Ilona, Le poussin Piou ou René la Taupe, tu frappes dans tes mains et tu photocopies trois quatre fiches à la con.

4. La semaine passée j'ai été attendrie par une maman cane et quatorze canetons. (J'ai compté.)
Maman Conne Cane promenait aussi ceux de sa voisine qui est infirmière, après avoir longuement hésité à lui mettre un mot dans la mare pour l'inciter à déménager. Mais Maman Cane a du coeur, miam.
Je leur ai jeté des morceaux de pain. J'avais l'aura d'Augustine, cent-douze ans, en sortie fauteuil avec l'Ehpad de La Pâquerette et de La Marguerite Réunies... au printemps dernier.

5. Je suis consciente que les pigeons fomentent un complot contre moi. Leur chef, comme dans Gremlins, c'est celui avec la mèche. Je balise pas, je suis pote avec Totoro.

6. J'interroge la confiote de fraise sur la fin du confinement et comme elle me répond qu'elle n'en sait que pouic, je pique une crise et la prive de tartine au dessert.

7. La neige tombe aujourd'hui... un 30 mars... et je suis folle... de joie. Je n'en avais pas vu depuis deux ans. Pis je m'en fous des flocons frisquets, j'ai pas le droit de sortir, eh !
Putain, c'est trop chouette. Je suis de meilleure humeur.
Je vais chercher mon pot de confiture, le pose sur le rebord de la fenêtre pour qu'il admire. La punition est levée.


***


Point confinement du J7 ici.


dimanche 29 mars 2020

J13 - Changement d'heure

La résistance au changement | Attitudes Positives
En voyant le verre à moitié plein, il ne me reste qu'à remonter la pente
et j'ai au moins 15 jours de plus pour y parvenir.

- Chérie !
- J'écoute. (soupir)
- J'ai une bonne nouvelle.
- Laquelle, chéri ? (double soupir)
- Tu vas être contente.
- ... (triple soupir)
- Aujourd'hui, on passe à l'heure d'été !
- Et alors ? (soupir désespéré)
- On gagne une heure de moins de confinement !
- Super !
- Ca te fait plaisir ?
- Ouais... (Re-soupir)

samedi 28 mars 2020

J12 BIS - J'aimerais revoir Françoise.

Elle s'appelle Françoise.
Une Françoise est forcément magnifique, n'est-ce pas ?  Françoise Dorléac. Françoise Hardy. Françoise Fabian. Françoise Sagan (euh non...)
Françoise... Françoise...
Quel doux prénom !

- C'est la providence qui nous a fait nous rencontrer, m'assura-t-elle, radieuse. Ce n'est pas le hasard, c'est la providence.
- Je me souviendrai de vous toute ma vie, vous êtes un modèle pour moi, répondis-je connement mais très sincèrement à mon aînée.

Comment pourrait-on oublier Françoise ? Celle qui confie dignement pleurer des nuits entières ses drames et enchante nos jours par sa lumière et ses facéties ? Celle qui a enterré son fils mais le fait vivre dans ses paroles et ses anecdotes, sans jamais mettre mal à l'aise quiconque.
Françoise, après un veuvage à trente ans, sait que les gens, même les proches, ont peur du malheur et qu'on ne peut pas leur en vouloir de chercher à mettre à distance la violence de la perte d'un enfant.
Alors elle compose, avec ses souvenirs et sa peine, avec ce que les humains peuvent entendre, comprendre et accepter.
Et puis, elle dit qu'il y a aussi une joie immense malgré la douleur incommensurable, une douleur si fraîche pourtant. Un an et des angelots qu'elle a perdu son fils unique.

- J'ai tellement de chance d'avoir connu Arnaud. Je suis reconnaissante d'un tel cadeau de la vie.
Il n'y a ni déni ni aigreur chez Françoise. Et nous aussi aurions aimé connaître Arnaud.

Françoise n'est pas une Sainte. Elle est plus que cela. C'est une femme délicieuse, avec de charmants petits défauts.
Lorsque je pense à elle, je suis émue et j'ai les larmes aux yeux. Je ne suis pas triste. C'est autre chose, un sentiment que j'aimerais éprouver davantage, l'admiration.
J'aimerais revoir Françoise (à défaut entendre sa voix pétillante). Le monde est plus beau quand elle apparaît et les oiseaux chantent plus haut, il me semble.
Elle me manque.
Seulement ma mémoire a effacé son nom de famille pour n'en garder qu'un prénom, une sensation de chaleur et je n'ai malheureusement pas pris son numéro de téléphone en quittant le travail...

J12 - Séance de sport collective - Partie 3

Danse Pole, Kermit, Drôle, Peluche, Des Animaux, Jouets
Figure dite "Sanlédan" - Niveau avancé.

Résumé du dernier épisode :
Dans la pièce trois-en-un de la famille P., salon-cuisine-salle à manger, la battle olympique organisée autour d'un jeu de l'oie a démarré.
Le père, après avoir digéré tout Boulkakov, Soljénitsyne, Dostoïevski et Emmanuel Todd (cherchez l'intrus), en faisant le cochon pendu, consent à montrer à la benjamine alias la Fayote - qui vient de lancer un trois (ou un "crois") - comment elle doit réaliser "Une planche" ; ce qu'elle fait avec brio, un mec vachement bien.
Les garçons rivalisent de muscles pour affirmer chacun leur supériorité, ces Pierrafeu de l'an 2020.
Quant à la mère, philosophe en herbe et en orchidées, elle médite sur ses cuisses en gelée : "La nature reprend vite (trop trop vite) ses droits".
Chut ! Ça va être à elle. Laissons-la se démerder.

***

- "La chaise !"
- C'est pas "La chaise", chérie, t'as tiré un deux.
- Moi je vois "La chaise". 
- Y a une chaise mais c'est pour faire "Des dips".
- Ce sera "La chaise". C'est qui la Cheffe, Davina ? T'as fini ton Chalamov ? Non ? Alors boîte à Camembert !
L'homme se met à grignoter les coins de Récits de la Kolyma.
- Te fâche pas, mon amour... Je recommencerai plus. Je range mon fouet. On mange quoi ce soir ?

***

Nous préférons interrompre notre programme.
Effectivement, il nous est d'avis que ce témoignage par en couilles pour parler poliment. L'auteure de ce blog, en plein délire confinesque, oriente le récit de manière à se donner une personnalité qu'elle n'a pas, mentant de façon éhontée à un lectorat de moins en moins nombreux. Mais qui voudrait suivre les aventures d'une mégalo qui en fait chiale sa race le soir dans son pieu, hein, qui ??? Dites-le-nous, qui ??? En revanche, c'est vrai qu'elle cuisine pas, ça, on peut pas le nier. Et qu'elle a un problème avec ses cuisses. Parce que ses cuisses, elles ont la forme naturelle d'un entonnoir. C'est pas de bol. Mais c'est pas sur les cuisses qu'il le faudrait l'entonnoir. C'est à l'envers, sur la tête, oui ! Quand la quincaillerie rouvrira ses portes, on lui en offrira un beau, rose flamand, avec des pattes et un bec. Non les amis, on l'aura déplumé avant. Les entonnoirs à plumes, ça se fait plus depuis quatre ans. Faudrait voir à suivre, hein ! On n'est pas aidés nous non plus avec vous...

Bon, on va quand même vous résumer la fin de la séance sportive, étant donné que l'auteure s'est cassé(e ?) (Faut un "e" ou pas, dites ?) laver sa zézette balafrée dans la salle de bains (c'est mieux que dans l'évier de la kitchenette). A ce propos, on souhaiterait lui conseiller de défricher et d'y aller franco, de se raser les jambes et de changer de pull.
Les P. se la sont joué (s ?) (Et là, faut un "s" ? Attention, il s'agit d'un verbe pronominal. Attention !) Ecole des fans : "Tout le monde a gagné !" Sauf la mère. Qui abandonna en cours de route. "Ça, je peux pas le faire à cause de mon dos !" "Ça non plus !" "Ben ça encore moins..." Si bien que la mother s'est rendu (là, faut pas de "e", notez.) compte qu'après cinq minutes de sport il fallait s'hydrater, qu'il était déjà 18 h et alla se servir un godet de pif, délicieux, un blanc pas trop sec, pas trop moelleux non plus, légèrement fruité. Pis elle sortit (*) les chips.


(*) "Sorta" d'après l'Ado.

vendredi 27 mars 2020

J11 - Séance de sport collective - Partie 2

Suite de l'épisode 1

Danse Pole, Kermit, Drôle, Peluche
Entraînement de Pole Dance - niveau intermédiaire


- Les mioches, le but du jeu - avant tout - c'est de pas se blesser. OK ? On se blesse pas. On se fracture rien. On pisse pas le sang. On va pas aux Urgences. Donc Choupinet, pas de trauma crânien en embrassant le mur.
- Oui Cheffe !
- Cheffe qui ?
- Oui Cheffe Sergent Instructrice !
- Davina, t'as mis ton body-moule-burnes ?
- Oui chérie.
- Oui Cheffe Sergent Instructrice s'il te plaît. Montre l'exemple chéri, merde ! L'Ado, t'as le dé ?
- Cheffe Mamounette, il a pas pris le bon dé !
- Merci la Fayote. Toi, t'as de l'avenir dans notre future société.
- Cheffe Mamounette ?
- Quoi encore la Fayote ?
- Elle est trop bien la musique !
- C'est rien... c'est rien... j'ai l'oreille musicale. Bon Bichette, t'es la plus jeune, tu commences justement.
- Crois ! Un, deux, Crois ! (Comme on est très drôles, l'Ado et moi, on aime bien souvent faire répéter à la gamine le nom de l'illustrateur pour enfants "Hervé Tullet" puis, en suivant, celui de son pseudo-frère "Jean".)
- "La planche", Bibiche !
- C'est comment ?
- Davina ! Démonstration ! Davina, cesse de tenter le cochon pendu en lisant Emmanuel Todd !!! Fais-voir "La planche".
L'homme gère. Grave. Mais comment il fait ?! Ben c'est normal, c'est pas lui qu'a porté les quatre mioches, qu'a eu quatre césariennes, qu'a allaité (parfaitement il a pas voulu allaiter). Il a aucun mérite en fait.
- C'est bon Davina, on a pigé ! Ouais Bichette, c'est bien ! C'est mieux que ton père, même.
- C'est qui "ton père", Cheffe Mamounette ?
- Ben... Davina !
- Ah d'accord, Cheffe Mamounette. J'ai tout compris, moi ! J'suis trop forte !
Et modeste, ma chérie.
- Choupinet, à toi !
- Grrrrzzz !
En silence, le môme de neuf ans flambant neufs lance le dé et fait avancer son pion. Il contemple la figure imposée, s'exécute.
Le choc.
Ce morveux est un athlète. Il fait des pompes en appui sur les ongles de ses index. Cinquante pompes. Ensuite, il se relève, sans mot dire, le torse bombé, reprend le dé et le tend, narquois, à son frangin. L'heure de la revanche de Popeye a sonné.
Mais l'Ado ne se débrouille pas si mal avec ses os pour "Les dips".
Ma parole, y en aura pas un pour se casser la gueule !
Je commence à baliser. C'est moi la prochaine. Pourvu que je tombe sur "La chaise" (et pas de ma chaise) !

A suivre...
(Le suspense est insoutenable.)



jeudi 26 mars 2020

J10 BIS - Séance de sport collective - Partie 1

Danse Pole, Kermit, Drôle, Peluche, Des Animaux, Jouets
Le confinement, une occasion d'initier toute la famille à la Pole Dance.

- Chérie ?
- Oui Davina...
- T'es prête ?
- Oeuf Corse que je suis prête ! Allez les gosses, c'est gym-nas-ti-que !
- Oh non !!! (Ça c'est, de concert, King Ado et Bad Choupinet, épuisés par leurs incessants combats.)
- Ouais de la gymnastique !
- C'est moi le coach, Bichette. (J'ai toujours rêvé d'être coach de quelque chose mais je me suis jamais décidée sur quoi. Une fois j'ai même pensé à coach en Transit Intestinal.) Bon, poussez les canap' et la table basse contre les murs ! Pas dans les murs, contre les murs !

Pendant ce temps, l'homme sautille pour s'échauffer. Pourvu qu'il ne fasse pas le cochon pendu sur la poutre, on n'aurait pas l'air con si l'immeuble s'écroule... (C'est son kif le cochon pendu.)

- Je vous mets une musique avec des boums boums dans les zoreilles : "I love fitness 2018". (Note à la jeune adulte absente de la fratrie : oui, j'ai merdé. Je recommencerai plus. Demain je mettrai  "I love fitness 2020". Ou La merguez partie.)

Je te dis pas la tronche de l'homme qu'a pas dépassé la Chanson de Roland. Y a du sang qui coule de ses tympans. Cet homme est la modernité incarnée : quand je lui  ai annoncé mardi qu'on devrait s'abonner ponctuellement à Netflix, il a rétorqué : "Pourquoi faire ?! On a l'intégrale des épisodes de Mission impossible (1966-1973) !"
Lui et mon blog has-been ils sont raccord.

- L'Ado, sors le jeu de l'oie que t'a envoyé ton prof de sport qu'on se fasse des squats de compét' !

Depuis le début du confinement, je regrette d'habiter un logement avec une superbe vue sur les toits et sans vis-à-vis car je n'ai accès à aucune personne humaine. (Je crois que c'est pareil pour mes garçons qui ont adopté un volatile ; "Robert Pauvre Pigeon Qui A Raté Son Punk", ils l'ont baptisé. Y a de l'idée...) Fait chier, la beauté. Un jour, être bobo, tu le paies cher. Mais là, précisément, c'est mieux, confinement ou pas confinement.

A suivre...

J10 - Lettre à Maîtresse officielle

Enfants, Filles, École, Amis, Collègues
Harcèlement scolaire de la petite J. Nulencizo.

Chère Maîtresse,

Je te confirme que l'on a bien reçu tous les documents en couleur que l'on met des heures à télécharger et à imprimer. Mais comme, avec le Corona, chacun a développé une conscience écolo, ça va aller. La preuve, on se mettra à faire nos courses à la Biocoop (les marchés sont fermés) et on sera à donf "tendance no-poo" (personne pour voir qu'on a les cheveux dégueulasses).

Je sais, c'est pas si simple pour toi et t'as pas le droit d'aller plutôt cueillir des Gariguettes (pas parce que tu travaillerais réellement mais parce que t'es pas coiffeuse ou serveuse.) (On n'a jamais quitté le Moyen-Age, les gars.)

Je te pardonne. Devoir maintenir une illusion, c'est une mission pas facile. J'ai un prof à la maison, je vis ta vie par procuration. (Et j'attire les moineaux, les pigeons.) (Principalement les pigeons.)
Ceci était un quiz musical.

Je peux bien te le confier vu les circonstances, j'ai repiqué quatre fois la maternelle. J'ai jamais eu mon diplôme de Colle-papier-ciseaux. On m'a diagnostiqué une déficience manuelle profonde à l'âge de neuf ans. Le clébard rêve qu'il a l'indépendance du chat, moi, la nuit, je rêve que j'ai la débrouille de MacGyver (l'ancien des années 80, celui avec la coupe mulet de footeux allemand). Pourquoi c'est jamais de Dwayne Johnson ???


Résultat de recherche d'images pour "dwayne johnson"
Viens J., je vais te montrer une prise de catch inédite.

Alors please, fais juste bosser les mioches. Me demande pas de découper toutes les lettres de l'alphabet, une fois en bâton (majuscules ?), une fois en script (minuscules ?) et les nombres jusqu'à deux mille. Parce que je perds toute crédibilité auprès de la petite A. Et toute dignité.

Merci Maîtresse. Courage Maîtresse ! ;)

J.

PS : Je ne sais pas si tu manques à A. mais, à moi, tu me manques beaucoup.

mercredi 25 mars 2020

J9 - Balade en amoureux (J8)

Couple, Jetée, Marche, L'Homme, Promenade, Mer, Océan
Couple dont l'un est peu loquace et l'autre cause pour deux.

- Chéri !
- Hmmm.
- L'est quelle heure ?
- 15 h 36.
- T'as noté la bonne date sur ton Ausw... euh... attestation ?
- Hmmm.
- T'as coché le bon motif ?
- Hmmm.
- Te goure pas de motif, chéri. L'est quelle heure ?
- 15 h 37.
- On a déjà perdu une minute... T'as pris ton attestation ?
- Hmmm.
- Les gosses, vous avez choisi un DVD pour enfants ?
- Poltergeist, Mamounette.
- OK. On sort donc moins d'une heure avec votre père. Chéri, l'est quelle heure ?
- Toujours 15 h 37, chérie...
- Vous bougez pas. Vous faites pas les cons. L'Ado, t'es responsable de ton frère et de ta sœur. Chéri, t'es responsable de ton attestation.
- Hmmm.
- Bon, on y va les mômes.

[...]

- Désert... C'est glauque...
- Marche moins vite, j'arrive pas à te suivre ! Tu comprends que j'aie pas peur du Coronavirus mais plutôt de me faire agresser en sortant.
- Moui...
- On va redécouvrir la ville (dans un périmètre de mille mètres...)
- Hmmm.
- Bonjour !
- Tu le connais ?
- Non mais ça fait du bien de dire bonjour à quelqu'un. Marche plus vite, ça fait pas assez "activité physique", là. L'est quelle heure, chéri ?

[...]

- Non chéri, pas par là, on est presque arrivés. Faut profiter de notre heure. On va contourner. Regarde la rue là-bas, on l'a jamais prise. Attention, petite vieille, chéri, range-toi.
- ...
- La meuf au balcon. Son immeuble il est pourri mais elle a un balcon, elle. Elle peut s'asseoir dehors, elle. Elle sera bronzée pour cet été, elle. (Salope.)

[...]

"Hugo, t'es un gros caca boudin !"

- Y a encore école ?
- Ben oui, y a classe pour les enfants des soignants.
- Ah oui, c'est vrai...
- Ils sont quatre. Les pauvres ! Ils s'en souviendront du confinement ! "Quand j'étais petit, j'étais le seul à aller à l'école pendant le Coronavirus." En plus, ils voient encore moins leurs parents, c'est double peine pour eux.
- Hmmm.
- Ou si ça se trouve tous les quatre ils vivent ensemble un truc extraordinaire genre Secret Story...
- Hmmm.
- Dois-je prendre ça pour un "oui" ? T'approche pas trop de la grille, chéri ! Les mioches des autres, c'est le mal. Tu crois qu'ils sont tout mignons et les fourbes cachent le vilain virus qui tuent les mémés-à-cheveux-violets et les asthmatiques-sans-leur-Ventoline ! Reculez sales gosses ! Vas-y, chéri, crache-leur dessus.
- ???


[...]

- Ah, des policiers ! Je vais enfin pouvoir me vanter d'avoir été contrôlée. Par contre me touche pas. Fous-toi à un mètre cinquante, c'est mieux. T'as bien pris la bonne attestation ?
- Hmmm.

[...]

- Putain, on n'a même pas été contrôlés ! Moi j'aime vivre dangereusement. Les montées d'adrénaline, tout ça... Et on n'a même pas été contrôlés. Ah la vache ! C'est quoi le problème là ? Ils me font un délit de faciès ?! Chuis trop vieille, c'est ça ?!
- Humpf.
- Au fait, l'est quelle heure chéri ?


[...]

- Faut que je t'avoue un truc, chéri. Je vais péter un câble. Y a que de l'incertitude, pas de date butoir, pas d'objectifs. Le matin, je me dis "A y est, c'est reparti..." et le soir "A y est, c'est fini.".
- Et ça recommence le lendemain...
- J'en ai tellement ras le bol que je tape "J'en ai marre" dans la barre de recherche Google. Pis le positivisme forcé à outrance sur les réseaux sociaux, ça me saoule. "Merci le virus, je me rends enfin compte que l'argent est inutile et l'écologie indispensable et grâce à toi, quand j'irai à Venise en voyage organisé, je verrai de l'eau pastel sur les canaux." Je me gondole... Ou "Allez, on s'enfonce tous un balai à 18 h 30 en faisant tourner une serviette pour dire au virus : dans le cul la balayette !" Y a des choses plus importantes et plus urgentes.
- C'est sûr...
- Il est où mon colis de chez Modz ? Elle est où ma robe fashion ?! Ben elle est bloquée toute seule depuis une semaine à Toulouse !!! En plus j'ai une peau de merde avec le manque d'exposition aux radicaux libres, mes tifs crient "Au secours !" et mon derche prend ses aises. Je vais te dire, chéri, c'est un luxe d'être optimiste.
- Humpf.

[...]

- L'est quelle heure ?
- 15 h 58. On va remonter... on va pas laisser les enfants trop longtemps tout seuls... 
- T'as vu à gauche, on pourrait passer par là demain. Un nouveau circuit... C'est chouette. En tout cas, c'était cool d'être tous les deux, on a pu bien discuter, tu crois pas ?
- Hmmm.

mardi 24 mars 2020

J8 TER - Classe réelle 1

Steinbach, Mennonite Heritage Village, Manitoba, Canada
Pupitres qui s'ennuient de leurs écoliers.

9 h 40 8 h32

- Hop hop hop, en place ! On est à la bourre les mômes, j'ai seulement brossé ma chatte et j'ai même pas pris le temps de m'épiler les sourcils.
Toi Bichette (affirmatif, je leur donne des surnoms IRL complètement crétins), tu bosses avec ton père.
Choupinet, avec moi !
- Ouais !!!
- Moi je veux être avec Mamounette !
- Cet aprème, Bibiche. Cet aprème.

- Choupinet ! Dictée !
- Pfrrrrzzzzz.
- Dictée, Choupinet. Tu préfères... attention... Choupinet... concentration... un seul choix, une seule réponse... tu préfères... dictée de phrases ou dictée de mots ?
- Oh ben dictée de mots !
- Tu m'étonnes... D'accord. C'est parti. Magnéto. Ecoute bien, c'est le fichier audio réalisé par ton enseignante. C'est sur la lettre "C". Putain, comment ça marche cette connerie ?! C'est rien, Choupinet, je contrôle. Allez, écoute.

"Un câling"... "Un câling"

- Arrête de raturer ! Réfléchis ensuite écris.
- Pfrrrrzzzzz.
- Arrête de raturer encore !

"Une Chocolatine"... "Une chocolatine"

- Rature pas dix fois ! Réfléchis je t'ai dit !

Par Allah, Saint Bouddha aide-moi et j'irai à toutes les bar-mitsva quand le confinement sera levé !

"Un coeur de canard"... "Un coeur de canard"

- Pfrrrrzzzzz. Grrrr.
- Bon, c'est fini Choupinet. 20/20. Nickel. Oui, on écrit bien "inceur de canar". Le calcul ? On va attendre que ton père ait terminé avec ta sœur, hein. Il est meilleur que moi pour les soustractions.

13 h 30 15 h 08

- Bichette, c'est parti.
- Oui maîtresse.
- ???
- Va me chercher un ciseau.

Vocabulaire ou politesse il faut choisir. Bon, politesse.

- On dit comment, Bichette ? On dit "S'il te plaît".
- Va me chercher un ciseau s'il te plaît maîtresse.
- Voilà. Maîtresse va te faire faire maintenant un travail sur les nombres.

Y a un moment, nulle maîtresse ne peut se défiler avec les maths...
Vachement appliquée la gosse puis elle met en place d'excellentes stratégies. J'en parlerai à ses parents. C'est mon devoir de maîtresse.

- Super A. ! 
- En fait je gagne à tous les coups ou quoi ?!

T'as raison, mon ange, quoi qu'il se passe, le monde ça devrait rester un terrain de jeu à ton âge.
Et même au nôtre.





J8 BIS - Pensées pour l'Ogre

Que deviens-tu l'Ogre ?

Toi au teint cireux, aux yeux clairs perçants, aux cheveux longs et huileux ? Toi, dans ton complet bleu marine, siégeant à la terrasse du même Café avec pour compagnie un expresso que tu finissais par boire froid et des clopes que tu écrasais les uns après les autres dans le cendrier.

Tiens, il y a l'Ogre... Il y a l'Ogre, encore et toujours.

Le regard droit, tu imposais ta stature d'ogre à une chaise trop étroite. Statique, tu observais cette vie grouillante qui avait l'air de t'amuser. Quand A. courait devant toi à toutes jambes tu te mettais à sourire franchement. Tu l'avais presque vue naître.
Quel drôle d'ogre.

Où es-tu l'Ogre ?

Où sont ta tête démesurée et ta voix fluette qui m'avait surprise quand, un jour, je t'avais entendu passer commande au serveur.
Quel drôle d'ogre.

Tu ne semblais pas triste. L'étais-tu ? Te demandais-tu quelle était la vie de tous ces gens quand je me demandais quelle était la tienne ?

Ton paysage s'est-il rétréci, l'Ogre ? Contemples-tu désormais de ta fenêtre les rues vidées de tout passant ? Y a-t-il du caoua qui fume sur la table de ta cuisine ?

J8 - Question cruciale au professeur Raoult

Le Père Noël, Noël, Fille, Enfant, Décembre, Noel
Santa Claus partageant avec Mireille des chocolats au GHB.

La petite A., 5 ans, s'interroge avec justesse et pertinence :
"Est-ce que le Père Noël il pourra passer sans attraper le Conoravirus ?"

lundi 23 mars 2020

J7 BIS - Point confinement

Zèbre, La Faune, Afrique, Des Animaux, Debout, Rayé
Dernier poutou en entreprise à cette conne de Josiane du service juridique.

D'abord j'ai eu les boules le jeudi quand j'ai appris qu'au boulot on ne pouvait plus embrasser les collègues. Je mettais même pas la langue, oh !
Plus le droit de toucher, plus le droit de tousser. Plus le droit de se tromper de tasse de café. (Et merde, c'était le chocolat corsé de S...)
Ça sentait un peu le pâté cette histoire.

Puis le lundi, j'ai été priée de m'en retourner chez moi.
Nooooon, pas chez moi, pitié ! Je me ferai toute petite, on me verra pas. Vous pouvez pas me faire ça, merde ! Tout sauf ça !
Je travaillerai comme caissière, comme éboueuse, comme aide-soignante. On ouvrira une antenne Covid-19 dans le centre de formation, je ferai du bouche-à-bouche aux plus beaux contaminés (ah bon, c'est pas ça qu'il faut faire ?), je ferai le ménage avec un préservatif à chaque doigt, j'établirai les factures Excel pour les frais d'intubation. Je suis agile et polyvalente, vous savez.
Refus catégorique. Les employeurs, c'est plus ce que c'était.

Ma première inquiétude avait été le samedi soir précédent de ne plus pouvoir faire de sport en salle jusqu'au 15 avril (date provisoire).
On sous-estime trop les effets pervers d'une bonne hygiène de vie.
Là, c'était : JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. JE VAIS ETRE ENFERMÉE. 
Je le vivais légèrement mal. Dans deux jours un quart, j'étais réincarnée en Camille Claudel.

Je me disais : pour toi, être limitée dans ta liberté de mouvements ça va être dur. Très dur. Pourtant ce n'était pas une situation que j'allais expérimenter : des grossesses alitées m'avaient forgé le caractère, des cruralgies et lumbagos aussi.
Mais je n'attendais pas de bébé rose et, croisons les épées, j'étais bien portante...
"La privation par prévention, c'est chelou." (Claire-Océane, 13 ans, du collège M. Pokora)

Boudu con, ce qui me manque le plus est précisément ce que l'on me demande de cesser, à savoir les interactions sociales, être amputée des autres.
Le coup de fil d'une amie hier m'a envoyé un shoot de bonheur équivalent au gain de la cagnotte à l'EuroMillions. J'ai hâte de refaire un jour la bise à ma belle-mère.
La privation, ça devient carrément trop chelou.

J7 - Anniversaire (lettre à Choupinet)

Jouets, Soldat, En Plastique, Action, Guerre, Vert
Petits soldats, Collection Choupinet, musée de la Guéguerre, 2020.

Mon Choupinet,

Te rends-tu compte de ta chance ?
Tu célèbres aujourd'hui tes neufs ans dans un contexte historique EXCEPTIONNEL (qui risque de durer... durer...)

Aucun de tes petits copains ne s'est présenté hier à ta fête pour laquelle j'avais créé de magnifiques (disons que ça te plaisait à toi) cartons d'invitation Pokémon plastifiés (avec la plastifieuse à but professionnel que tu as niquée dès le premier jour de confinement - as-tu senti le courroux contenu de ton paternel ?).
Mais tous ont eu une vraie bonne raison de ne pas venir. Il faisait un temps superbe, il étaient mieux cloîtrés chez eux que chez nous.

Ton frangin qui devait partir ce jour en classe de neige a choisi d'annuler son voyage pour rester avec toi. Du moins c'est ce que j'en ai conclu.

Tu n'auras pas un gâteau classique aux trois chocolats de chez le pâtissier qui a fermé boutique, faute de clients.
Mais je peux réaliser pour toi une sorte de pudding très original dont moi seule ai le secret. Un délicieux sucré-salé-terre-mer. T'aimerais que je mette dedans de la morue séchée et des rognons frits ?

Tu as demandé à rester en pyjama toute la journée et à sécher les cours ; tes vœux sont exaucés.
Du coup, cette année, pour une fois, le paquet de bonbecs destiné à l'école ne restera pas dans le tiroir.
D'ailleurs on n'a même pas de paquet de bonbecs.

Tes cadeaux sont tout de même là au complet car papa est psychorigide prévoyant et les avait confinés dans le placard depuis des mois. (Avant Noël. Dès août 2019. En haut, y avait les paquets du 25 décembre 2020 à gauche et les paquets du 23 mars à droite. En bas, y a déjà les paquets du 25 décembre 2021 et sans doute 2022.)
Trente nouvelles boîtes de petits soldats... Quelle joie d'avoir un fils.

Voilà, Choupinet. Il me reste à te souhaiter un joyeux anniversaire.
Je t'embrasse très fort avec mon masque à gaz.

Ta mère que tu aimeras toute ta vie et plus que toute autre femme. T'as compris ?



dimanche 22 mars 2020

J6 BIS - Dimanche

Paysage, Highlands, Désert, Bleu, Ciel
Long long road.

Un dimanche de confinement, tu imagines que ça va être identique à un autre jour de confinement.

Mais non, un dimanche de confinement il n'y a ni le tut tut tut des bennes à ordures ménagères ni les ding ding dong des cloches de la cathédrale pour te surprendre au petit matin avec une humeur massacrante vu que t'es réveillée tôt pour rien foutre de ta journée.
Il n'y a pas le rideau du boulanger d'en face qui se lève, pas un chat dans la rue (mais toujours ces put@***# de pigeons sur les toits qui te narguent en tournant en groupe sur eux-mêmes).
Tout est clos, silencieux, pesant (comme un couvercle, bravo.)
Nul amant d'un soir et nul amour d'un jour. (Rien à voir mais je trouvais ça assez joli.) (C'est de moi. J'dis ça, j'dis rien.)

Un dimanche de confinement, c'est un dimanche en plus moche.
T'en viendrais presque à regretter les mecs bourrés  qui gueulaient du Aya Nakamura sous tes fenêtres à 5 h 10 et dont l'estomac finissait fatalement par rendre. Leur vomi, c'était un peu la vie...

Est-ce que demain on pourra dire : "Ça va comme un lundi." ?